Résumé
La méthanisation est une technologie qui exploite la capacité des consortiums bactériens anaérobie afin de solubiliser, dégrader et produire une grande quantité de biogaz à partir d’une grande variété de matière organique. Ce travail couvre les aspects environnementaux et sociaux de la gestion de la matière fécale de quinze personnes récupérée dans une fosse septique. Le dimensionnement de la fosse a été effectué dans l’optique de récupérer le biogaz qui servira à la cuisson des aliments et ainsi permettra d’améliorer les conditions de santé des populations rurales. L’estimation de la production de ce biogaz est de 141,25m3 au bout d’un an. Cette production annuelle est équivalente à cinq bouteilles de butane liquéfiée de 12,5kg ou 172kg du bois de chauffe. En récupérant cette quantité de biogaz, 84,75m3 de méthane sont évités dans l’atmosphère au bout d’un an.
Mots clés : Biogaz, dimensionnement, fosse septique, matière fécale
INTRODUCTION
Dans les zones rurales des pays en voie de développement, la cuisson des aliments est fortement dépendante de la biomasse. Cette dépendance de la biomasse accentue la déforestation, ce qui a une conséquence négative sur l’environnement (le réchauffement climatique). Les fumées générées par la combustion de la biomasse ont une conséquence sur la santé (les yeux, le nez ou la gorge peuvent être irrités, l’asthme et d’autres problèmes respiratoires peuvent être aggravés). Ainsi, Le développement des sources d’énergies, notamment renouvelables permettrait non seulement de protéger l’environnement, mais aussi constitue une opportunité pour améliorer les conditions de vie des familles les plus pauvres. Le biogaz, qui est un produit issu de la méthanisation, est composé majoritairement du méthane et du dioxyde de carbone , minoritairement des composés soufrés (𝐻2𝑆, mercaptans ) et des composés azotés (ammoniac, azote) est également l’un des nouveaux acteurs de l’énergie (Dupont, 2010). C’est un gaz dont l’utilisation permet de protéger l’environnement tout en améliorant l’hygiène.
La matière fécale humaine reçue dans les fosses septiques constitue une source potentielle d’énergie renouvelable gratuite et très intéressante qui jusqu’ici est inexploitée.
Ce projet a pour objectif principal de dimensionner une unité de production de biogaz à partir de la fosse septique d’une maison d’habitation de quinze personnes, alimentée par les toilettes.
I. MATERIELS ET METHODE
A partir de la productivité de la matière fécale humaine, du potentiel d’hydrogène (PH) et le rapport C/N (carbone/azote) d’une fosse septique en milieu tropical, les calculs seront effectués.
a) Milieu d’étude
La zone tropicale humide constitue l’ensemble climatique le plus vaste existant à la surface du globe et l’unique qui soit d’un seul tenant puisqu’il s’étend à peu près symétriquement de part et d’autre de l’équateur. On peut considérer que la zone tropicale humide au sens large couvre les régions situées aux basses latitudes, où la pluie est assez abondante pour permettre à leurs habitants de vivre des produits d’une agriculture non irriguée, ce qui en exclut certaines étendues sèches comprises entre les deux tropiques. Elle s’étend au total sur 46°55’ de latitude, symétriquement de part et d’autre de l’équateur (de 23,5° de latitude nord à 23,5° de latitude sud) (Emmanuel Naah, 2002). Cette vaste zone embrasse en vérité des milieux naturels assez divers qui n’ont en commun que leur température élevée tout au long de l’année (température moyenne de 20 à 30° C) (Emmanuel Naah, 2002). Là où la forêt dense et toujours verte existe avec ses innombrables espèces, on a l’une des faces de la zone tropicale humide. L’autre est celle des forêts claires, des savanes
b) Fosse septique et matière fécale
Dans le présent projet, la fosse septique, assure un prétraitement efficace et une liquéfaction des rejets provenant des toilettes (matière fécale et papier hygiénique). La matière fécale est le résidu de la digestion, elle n’est pas absorbée et est rejetée par l’anus à la fin de la digestion. Dans la ville de Dschang, l’alimentation est riche en végétaux, donc la masse moyenne de la matière fécale sera prise égale à 400 g par jour avec un taux de matière sèche moyen de 25 % et un taux de matière sèche volatile moyen de 86% (Joan Colón et al., 2015).
c) Productivité en biogaz de la fosse septique
La productivité en biogaz moyenne de la matière fécale humaine sera prise égale à 0,3 m3 de biogaz/kg de matière sèche volatile de selles pour le cas où la matière focale est mélangée avec les urines (Joan Colón et al., 2015).
d) Temps de séjour du substrat
Etant donné le système fonctionne en Mésophile (température de digestion comprise entre 25° C et 45° C) et que le mélange matière fécale + eau n’est pas homogène, le temps de séjour du substrat sera pris égal à 60 jours.
e) Production quotidienne de biogaz
Production quotidienne de biogaz = Masse quotidienne selles × nombre de personnes × Productivité × taux de matière sèche × taux de matière volatile. La teneur en méthane du biogaz produit par une fosse septique alimentée par les toilettes sera prise à 60 % (Joan Colón et al., 2015) car ce biogaz a les mêmes caractéristiques que celui issu des stations d’épuration
f) Potentiel d’Hydrogène (PH) :
Le potentiel d’hydrogène à l’intérieur d’une fosse septique a une valeur moyenne estimée à 6,5 (Somorin, T. O., 2020). Cette valeur moyenne ne correspond pas au PH nécessaire pour un bon développement des bactéries dans la fosse septique, mais reste très proche de la plage optimale qui est de 6,8 à 7,2.
g) Rapport C/N
Le ratio C/N moyen des excréments humains est de 10,5 (Joan Colón et al., 2015), ce qui est éloigné des valeurs optimales qui se situent entre 20 et 30. C’est ce qui justifie un peu la faible productivité en biogaz de la matière fécale humaine.
h) Choix du procédé
Mode d’alimentation | Type de substrat | Nombre d’étapes | Température | Temps de séjours du substrat |
Continu | Liquide | Monophasé | Mésophile (37 °C) | 60 jours |
II. MATERIELS ET METHOD
a) Production quotidienne de biogaz
Production quotidienne de biogaz = Masse quotidienne selles × nombre de personnes × Productivité × taux de matières sèches des selles × taux de matières volatiles
= 0,4×15×0,3×0,25×0,86
= 0,387 m3
b) Dimensions de la fosse
Le dimensionnement de la fosse se fera avec les considérations suivantes :
Le poids moyen de la matière humaine sera pris égal à 400 g par jour et 7 L d’eau seront nécessaire pour la chasse. Vu que la matière fécale humaine contient en moyenne 75 % d’eau, la masse volumique de la matière fécale humaine sera prise à 900 kg/m3.
i) Dimensions de la fosse de stockage 𝑉𝑢 (Volume de la fosse utilise)
Le temps de rétention hydraulique est de 60 jours, la maison est habitée par quinze personnes dont le poids moyen de la matière fécale est de 400 g /jour.
Avec ces considérations, le volume utile du digesteur sera :
𝑉𝑢 = (7 + ) × 60 × 15 = 6 700 𝐿 = 6,7 𝑚3.
ii) Dimensions du volume total de la fosse 𝑽𝒕:
En considérant que la fosse sera surmontée d’un réservoir équivalent au tiers du volume utile pour le stockage du biogaz, le volume total du digesteur sera :
En considérant un digesteur de forme parallélépipédique, il aura pour dimensions : Longueur = ; Largeur = et Hauteur = .
iii) Dimensions du regard
Le digesteur sera connecté à un regard, qui permettra soit d’extraire le digestat, soit de prolonger la décomposition afin de faciliter les infiltrations du substrat dans le puisard. Au cas où l’option d’extraction est choisie, le digestat pourra être valorisé sur le plan agricole, car la charge polluante a été considérablement réduite (la charge polluante a été transformée en biogaz). Le volume du regard sera le même que celui du volume utile de la fosse. Vu que le substrat fait 60 jours dans le digesteur il va également séjourner dans le regard pendant 60 jours. Ainsi, le volume du regard sera de 6,7 et la fréquence de vidange sera de quatre mois.
En considérant un regard de forme parallélépipédique, il aura pour dimensions : Largeur = 2m ; Longueur = 2,25m et Hauteur = 1,65m.
III. DISCUSSIONS
La production quotidienne de biogaz obtenue pour ce projet est autour de 0,387 𝑚3. Or on sait qu’une bouteille de butane de 12,5 kg est équivalente à 28,5 𝑚3 de biogaz, pour un biogaz contenant en moyenne 60 % de méthane. En effet, le pouvoir calorifique inférieur du butane est de 13,6 kwh/kg, tandis que celui d’un biogaz contenant 60% de méthane est d’environ 6 kwh/𝑚3 . Ainsi, pour obtenir une production équivalente à celle d’une bouteille de 12,5 kg de butane, il faudra , soit deux mois et demi. Cette production permet également de substituer 172 kg de bois de chauffe, car le pouvoir calorifique du bois de chauffe est d’environ 5kwh/kg.
Sur le plan économique, cette production peut être estimée à 32 500 F CFA au bout d’un an, en considérant qu’une bouteille de butane coûte sur le marché 6 500 F CFA. La quantité de biogaz produite correspond à peu près à cinq bouteilles de butane liquéfié de 12,5 kg.
Sur le plan environnemental, au bout d’un an 141,25 𝑚3 de biogaz à 60% de méthane sont récupérés, soit 84,75 𝑚3 de méthane qui ont été évité dans l’atmosphère.
Sur le plan social, l’utilisation du biogaz comme source énergétique pour la cuisson des aliments permet d’éviter l’irritation des yeux par la fumée du feu de bois et d’autres problèmes respiratoires.
IV. CONCLUSION
La fosse septique, inscrite dans un système de gestion intégrée de valorisation énergétique de la matière fécale humaine possède un potentiel intéressant au niveau énergétique, économique et environnemental. La technologie de la méthanisation utilisée dans ce travail permet de réduire l’impact environnemental de la matière fécale et d’améliorer les conditions de vie des habitants en zone rurale.
Ce travail avait pour objectif principal de dimensionner une unité de production de biogaz à partir de la fosse septique d’une maison d’habitation de quinze personnes, alimentée par les toilettes. Il ressort au bout du compte qu’en récupérant la matière fécale de quinze personnes, on peut produire du biogaz équivalent à cinq bouteilles de butane liquéfié de 12,5 kg au bout d’un an en terme de gaz ou 172 kg de bois de chauffe et éviter que 84,75 𝑚3 de méthane ne soit libérés dans l’atmosphère.
Aucune œuvre humaine n’étant parfaite, une limite de ce travail est le fait que la productivité de la matière fécale humaine, son taux de matières sèches et son taux de matières sèches volatiles sont issus de la littérature, mais restent des valeurs obtenues à l’issue des expériences.
Références Bibliographiques :
DUPONT, N. (2010).Valorisation du biogaz de fermentation : combustion catalytique. (Thèse de doctorat, Université Claude Bernard, Lyon I, France), p.1-6.
EMMANUEL NAAH, (2002). Recherche et développement pour l’environnement en Afrique sub-saharienne, p. 975-980
JOAN COLÓN et al. (2015). Energy for Sustainable Development 29, p. 57–64
SOMORIN, T. O. (2020) Valorization of human excreta for recovery of energy and high-value products, 26 p