• Auteur/autrice de la publication :William DONFOUET

I- Introduction

L’Afrique à travers une vingtaine de pays grands producteurs de noix de cajou constitue le leadership mondial de production de ce fruit hautement prisé. Environs près de 90% de noix de cajou brutes serait produit en Afrique. Ce produit d’exportation  connait une forte croissance depuis plus de 5 décennies. L’Afrique exporte environ 75% de ses noix de cajou sous forme brute, principalement vers l´Inde et le Vietnam. La valeur de ces noix telles qu´importées en Inde est d´environ 9.000 dollars US la tonne. Mais leur valeur à l´exportation après traitement est en moyenne de 5.300 dollars US la tonne. Les pays africains qui n´effectuent pas ce traitement perdent donc la possibilité d´avoir des secteurs économiques hautement rentables. A l’occasion de ce premier semestre 2022 les exportations de noix de cajou brutes vers l’Inde et le Vietnam sont en baissent de près de 25%. Ce ralentissement des exportations serait du fait de la décroissance sur les principaux marchés de consommation à savoir : la Chine, les États-Unis, le pays-bas. A cela s’ajoute la continuité des effets du COVID-19, la pénurie de conteneurs et surtout la forte hausse des coûts logistiques. Cette situation a une répercussion directe sur les producteurs africains comme la Cote d’ivoire, le Mozambique, la Tanzanie qui commencent les récoltes et engagent des stocks important qui pourraient  ne pas trouver preneurs.  Cette situation qui rappelle la problématique de la transformation agroalimentaire locale en Afrique nous interpelle sur certains thèmes des objectifs du Développement Durable notamment sur l’économie solidaire et circulaire, la protection de l’environnement, etc. Dans cet article, il sera question dans un premier temps de présenter la noix de cajou que beaucoup de personnes semblent peu connaître. Ensuite d’exposer la spécificité africaine sur le marché mondial et explorer l’enjeu de la transformation locale de la noix de cajou en Afrique.

II- C’est quoi la noix de cajou ?

noix de cajou non décortiqué
noix de cajou
fruit de pomme de cajou
fruit de pomme de cajou

La noix de cajou encore appelée anacarde  est le fruit de l’anacardier (Anacardium occidentale), un arbre tropical atteignant 6 à 15 m de haut et à la cime évasée. Elle se développe à l’extrémité d’un pédoncule juteux et comestible qui est appelé pomme de cajou. La pomme de cajou a la forme d’une poire avec une couleur jaune, rouge ou vert. Elle peut être consommée telle quelle ou transformée suivant plusieurs application en cuisine (bouillie ou grillée), en cosmétique (beurre de cajou, lait etc.) en alimentation (jus de fruit et vin de noix de cajou).

1- Différence entre noix de cajou et l’acajou

Généralement certains peuvent  confondre la noix d’acajou avec l’acajou. Il n’en est rien ; l’acajou par contre est un arbre également tropical dont le bois rougeâtre est très recherché.

2- Noix de cajou : Un cumul de propriétés et de vertus

La consommation de noix de cajou est considérée principalement comme un facteur de protection cardio-vasculaire. Un apport hypocholestérolémiante : une portion de 35 g de noix de cajou apporte 16,1 g de lipides, dont 9,5 g de mono-insaturés. Ces acides gras provoquent une diminution drastique du cholestérol total. La noix de cajou est une bonne source de minéraux. Une portion de 100 g apporte 50 % des apports journaliers recommandés (AJR) en magnésium, 50 % des AJR en phosphore, 10 % des AJR en cuivre… Ces minéraux interviennent dans l’influx nerveux, le métabolisme des graisses et la synthèse de l’hémoglobine. La capacité antioxydante de la noix de cajou est essentiellement due à la vitamine E qui se trouve sous forme de gamma-tocophérol.

III- Noix de cajou, une spécificité africaine : 90% de la production mondiale provient d’Afrique

20 pays d’Afrique occidentale et orientale produisent environ 90 % des noix de cajou brutes commercialisées sur le marché mondial comme l’affirme phillipe Gautier au terme de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) en 2021 dans son article Noix de cajou, l’Afrique passe à côté du bénéfice d’un marché mondial en développement. ( ). En Afrique,  après la Côte d’Ivoire, les principaux producteurs sont la Tanzanie, le Nigeria, le Bénin, la Guinée-Bissau, le Mozambique et le Ghana. Contrairement à l’Afrique de l’Ouest et de l’Est ; l’Afrique Centrale peine à développer et à structurer sa filière de noix de Cajou. Dans cette sous-région où peu de données statistique sont disponible ; seul le Cameroun élabore véritablement des stratégies de développement de cette filière. Le pays a intégré en juillet 2019 le Conseil International Consultatif du Cajou (CICC). Il s’agit d’un regroupement de pays producteurs de la noix de cajou qui œuvre pour le développement de cette culture de rente dont le siège est à Abidjan en Côte d’Ivoire.

IV- Production de noix de cajou : un commerce inéquitable !

Entre 2018 et 2020, le commerce mondial de noix de cajou brutes a plus que doublé et continue néanmoins malgré quelques à-coups une forte croissance : il atteint aujourd’hui environ plus de 2,2 millions de tonnes par an. Cependant, la CNUCED relève que moins de 15 % des noix de cajou sont décortiquées sur place. L’essentiel (85%) est exporté principalement vers l’Asie, principalement l’Inde et le Vietnam. Ces deux pays ont absorbés environ 98 % des importations mondiales entre 2014 et 2018. Plus de 60 % des noix de cajou commercialisées sont torréfiées, salées, emballées et consommées sur les marchés européens, d’Amérique du Nord, augmentant de fait la valeur ajoutée du produit.

La CNUCED, dans son rapport, fournit certaines analyses chiffrées. Ainsi, en 2018, le prix à l’exportation des noix de cajou de l’Inde vers l’Union européenne était environ 3,5 fois plus élevé que celui payé aux producteurs ivoiriens, soit une différence de prix de 250 %. Après l’étape de transformation en Europe, le différentiel de prix avec le producteur monte à 8,5 fois.

Prenons un exemple pour traduire cette disparité. Le Mozambique était le principal pays producteur et exportateur avec plus d´un tiers du marché mondial entre 1961 et le milieu des années 1970. En 1975, le gouvernement a décidé d´interdire totalement les exportations de noix de cajou non décortiquées afin d´encourager la transformation locale. A la fin des années 1980 et au début des années 1990, sur les conseils de la Banque mondiale et en dépit de l´hostilité des sociétés nouvellement privatisées, les autorités mozambicaines ont décidé d´éliminer les obstacles aux exportations de noix de cajou non décortiquées. Contrairement à ce qui était prévu, cette politique a profité beaucoup plus aux négociants et aux intermédiaires qu´aux petits agriculteurs. En outre, les installations nationales de transformation étaient dans l´impossibilité de concurrencer les producteurs de noix décortiquées des autres pays et elles ont finalement été obligées de fermer ce qui a provoqué un chômage important. 

V- Les enjeux de la transformation locale de la noix de cajou :

1- Transformer pour gagner plus, protéger l’environnement et contribuer au développement durable.

L’objectif de la transformation locale de la noix de cajou en Afrique révèle plusieurs avantages significatifs pour les producteurs locaux, les gouvernements et l’environnement. Non seulement, il s’agit  de donner de la valeur ajoutée au produit avec un impact économique direct (création d’emplois, réduction de la pauvreté, etc.) et la mise place d’une économie solidaire sur la filière. Mais également la transformation locale de la noix de cajou permet à promouvoir le développement durable de notre planète. La réduction des distances de transport des marchandises et les consommations de carburant contribuent à réduire les émissions de carbone.

Comme le déclarait en son temps le célèbre défenseur du monde agricole Bernard NJONGA dans le pacte pour le développement rural. « Si vous réduisez la pauvreté de moitié, vous gagnez 4 points de croissance. Ce qui, dans le contexte pour un pays africain comme le Cameroun, vous élève à un taux de croissance de 8%, soit la moyenne pour être un pays émergent ». Ceci traduit en fait la nécessité de la transformation locale des cultures de rente en Afrique. De manière générale, permettre une véritable croissance des secteurs de production primaire et secondaire liée à l’agriculture, de réduire considérablement la pauvreté et ainsi accompagner le développement des pays à revenus intermédiaire.   

2- Quelques initiatives sur le continent : des usines naissantes et des prix d’encouragements

stand de promotion des produits dérivés de la noix de cajou au cameroun
stand de promotion des produits dérivés de la noix de cajou au Cameroun

En Côte d’Ivoire, Le Conseil coton-anacarde qui gère la filière d’exploitation de l’anacardier dont le fruit comprend la pomme de cajou (fruit) et la noix de cajou (noyau), compte sur l’ouverture prochaine de trois usines de transformation au total. Ces sites permettront aux petits producteurs ruraux d’écouler localement leurs stocks. Le pays ambitionne atteindre la barre de 50% de transformation locale de noix de cajou d’ici 2025 sachant que le taux actuel est d’environ 15%. Cette même mouvance est observée dans plusieurs pays  producteurs d’Afrique de l’ouest comme le Nigeria, le Sénégal (avec l’initiative EthiCajou de l’ONG AVSF), au Burkina Faso. En Afrique de l’Est de nombreuses initiatives sont engagées ou réactivées comme par exemple au Mozambique, en Tanzanie.

En Afrique Centrale, un très grand retard reste à combler. Au Cameroun, pays moteur de la sous-région, le gouvernement à travers l’IRAD (Institut de Recherche Agronomique pour le Développement) vise d’abord à améliorer la production de la noix de cajou à travers un programme de distribution d’environ 5 millions de plants d’anacardiers aux producteurs locaux. Néanmoins l’on observe un dynamisme précurseur des acteurs de cette filière à travers la promotion des entreprises et solutions jeunes. Comme c’est le cas avec le Youth Connect  Cameroon cluster challenge (YC4) en 2021 qui a vu primé le jeune entrepreneur LAMMA Jacques pour son projet de transformation agroalimentaire de noix de cajou.

2ème prix du concours youth connekt cameroon cluster challeng sur la transformation locale de la nois de cajou
2ème prix du concours Youth connekt Cameroon Cluster Challenge- noix de cajou