Environ 375 milliards de billets sont actuellement en circulation dans le monde. Leur durée moyenne de circulation est comprise entre quelques semaines et plusieurs années. Chaque année, ce sont près de 150 milliards de billets de banque qui sont imprimés afin de remplacer ceux trop usés et retirés de la circulation. Des statistiques indiquent que le nombre de billets en circulation augmente même de près de 3 % par an. (source : Giesecke & Devrient, Conception et impression de billet de banque). La Chine est actuellement le plus grand producteur et consommateur de billet de banque avec environ 90 milliards de billets en circulation, suivi de l’Inde. L’on estime que plus de 2 milliards de billets serait en circulation en zone CEMAC.
Opération de retrait de la gamme des billets BEAC de 1992 en zone CEMAC.
La Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) est l’institution d’émission monétaire des six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Cette communauté regroupe le Cameroun, le Congo, le Tchad, la RCA, le Gabon et la Guinée équatoriale. Le Comité ministériel de l’Union monétaire a annoncé la mise en circulation, le 15 décembre 2022, des billets de la nouvelle gamme 2020. Ainsi, Le processus du retrait de la gamme des billets de 1992 en cours, se poursuivra jusqu’en 2024 notamment le 1er juin, date à laquelle, les billets de cette gamme ne seront plus échangés ni auprès des banques commerciales, ni à la BEAC. Ceci laisse facilement entrevoir d’une quantité très importante de billets seront mis en rebus. Et la question de savoir qu’en sera t-il de toute ces tonnes de déchets du système bancaire CEMAC ?
Que deviennent généralement les billets de banques retirés de la circulation ?
Globalement, la durabilité d’un billet de banque est limitée selon la zone monétaire. Exemple 8 ans en France, 4 ans au Japon, 10 ans en principe en zone CEMAC. Plusieurs critères entrent en jeu afin de conserver un billet en circulation. Même si pour l’utilisateur, l’apparence extérieure peut paraître sans défaut, il suffit qu’un billet de banque qui ne remplit plus les critères de qualité d’un traitement sécurisé. C’est-à-dire que l’authentification automatisée par des machines soit entièrement compromise. Ceux-ci sont retirés de la circulation et doivent être remplacés. Les billets de banque retirés de la circulation sont ainsi broyés et transformés en “briquettes” compactes. Ces briquettes peuvent servir de combustibles, être recyclées ou simplement finir à la décharge. Les équipements de plus en plus perfectionnés peuvent broyer 1,5 à 2 Tonnes de billets en 1 heure.
Approche écologique du cycle de vie des billets de banque
La fabrication du papier pour billets de banque fait aujourd’hui l’objet de données générales de qualité. Le procédé internationalement reconnu en la matière est la norme ISO 14040. L’évaluation et la pondération des facteurs à impact écologique entrants et sortants sont réalisées à partir de la méthode des unités de charge écologique. Les analyses sont aussi portées sur des effets particuliers du cycle de vie des billets de banque, notamment la contribution à l’effet de serre, à l’acidification et à la formation d’ozone.
Pour établir l’éco-bilan du cycle de vie des billets de banque, il est judicieux d’avoir des données fiables pour les différentes étapes de production des billets. Ne sont pas généralement pris en compte les processus généraux du type éclairage, administration et laboratoire. Les encres et vernis contiennent de 1 à 5 % de substances toxiques de la classe 3 ou 4 (environ 400 kg par an). Les encres employées pour la sérigraphie sont composées à 50 % de substances toxiques de la classe 3 ou 4. Après séchage, les encres et vernis perdent leur toxicité. On ne sait encore pas grand chose en revanche de la fabrication de la pellicule métallique (Cinégramme). Une étude Suisse de l’impact écologique des différentes étapes du processus de circulation des billets de banque montre que les activités les plus polluantes sont le transport, le stockage et le traitement des billets. Ces activités représenteraient à peu près la moitié de la pollution totale du système.
Le modèle Suisse : recyclage des billets de banque
Dans le cadre de sa charte de l’environnement, la Banque Nationale Suisse (BNS) s’est fixée pour objectif de rendre la circulation du numéraire aussi écologique que possible. Comme point de départ, elle a réalisé en 1999 un éco-bilan des billets de banque. Un écobilan (en anglais Life Cycle Assessment) retrace l’impact écologique d’un produit durant tout son cycle de vie, c’est-à-dire de la production des matières premières à sa destruction en passant par toutes les étapes de la production, du transport et du maniement. On analyse et évalue l’utilisation de matières premières et les émissions dans l’air, dans l’eau et dans la terre résultant des processus considérés.
L’exemple drôle et ingénieur de la banque du Japon : recyclage des billets de banque en papier toilette.
Au Japon, la circulation des billets est produite et contrôlée par Nippon Ginko, la Banque du Japon. Cette institution financière fonctionne avec un renouvellement fréquent de cette monnaie ( 2 et 4 ans). Les billets en fin de cycle et les coupures endommagés sont renvoyés à la banque par l’intermédiaire d’organisations commerciales. Ainsi, ces billets subissent un processus de recyclage, aboutissant à des produits tels que : matériaux de logement; combustible solide; fournitures de bureau; et plus particulièrement en Papier toilette.
Actuellement, le système monétaire japonais fonctionne avec des billets et des pièces de monnaie, qui utilisent des matériaux moins coûteux que leur fabrication d’origine. Si auparavant, les pièces en yen étaient en argent, aujourd’hui, le matériau de base de cette production est l’aluminium.
Une éco-conception des billets de banque en Afrique : de billet de banque BEAC à papier cahier, pourquoi pas ?
Comme partout ailleurs, nous observons que la production et l’usage des billets de banque dans notre société produit un impact environnemental plus ou moins conséquent. L’institution d’émission des Etats membres de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale a pour mission entre autre d’assurer une bonne qualité de la circulation des signes monétaires. La BEAC pourrait à l’occasion renforcer sa charte environnementale et repenser à une analyse du cycle de vie des billets plus écologique. Déjà, nous apprécions le rallongement de la durée de vie des billets en zone CEMAC, prévu pour tous les 10 ans, ce derniers renouvellement des coupons intervient après 20 ans. Même si cela supposerait léser la qualité des billets en circulation ; ce rallongement de 100% a permis de réduire la pollution de 50%.
L’association SAFA (Sustainable Actions From Africa) a entreprit entre 2019 et 2023 un programme dénommé PAPES-DIDAC pour le recyclage des déchets bois en matériels didactique pour les établissements scolaires défavorisés. Nous entretenons le vœu de voir un jour les banques africaines et notamment la BEAC engagés une éco-conception des billets, avec la création d’usines de recyclage locale des billets, aboutissant à des produits tels que : du papier cahier, des matériaux de logement, ou des fournitures de bureau par exemple.