• Auteur/autrice de la publication :Equipe de rédaction SAFA

Le Cameroun est un Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Depuis la première décennie du 3ème  millénaire, le pays rencontre d’importants obstacles pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Le pays doit  faire face à des problèmes liés aux changements climatiques, aux conflits armés continus dans les régions anglophones, et des problèmes persistants d’insécurité transfrontalière avec la continuité des activités terroristes de la secte Boko-haram ou encore des crises socio-politique dans les pays voisins (RCA, Tchad). Globalement 6/10 régions du pays sont en crise.

L’assemblée générale de l’association Sustainable Act From Africa -SAFA de février 2020 identifiait distinctement 3 grands foyers de crises et déterminait ainsi, 3  zones  d’action humanitaire prioritaire (ZAHUP) : dont la zone 2 dénommée NOSO est  constituée des régions des deux régions anglophone du pays, Nord-ouest et Sud-ouest.

Zone d’Action humanitaire prioritaire II- région du NOSO Cameroun

Le NOSO Cameroun : siège d’un conflit armé violent et silencieux  

L’appellation NOSO représente les deux régions anglophones du Cameroun qui sont les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ces régions  sont historiquement et culturellement distinctes des régions francophones du Cameroun. Elles représentent environ 20 % de la population. A la suite de plusieurs revendications répétées  de discrimination et d’exclusion. Des manifestations organisées pendant toute l’année 2016 dans les régions anglophones du Cameroun ont dégénéré  en guerre civile en 2017. Plus de six ans plus tard, le conflit continue de faire rage. Selon des estimations récentes, il a déjà causé la mort de plus de 7 000 civils et le déplacement de plus de 950 000 personnes à l’intérieur des régions anglophones. Plus de 1,5 million de personnes ont besoin d’aide humanitaire.

Progressivement la crise politico-sécuritaire s’est transformée en conflit armé sévère. De graves violations des droits humains sont commises par toutes les parties, et malheureusement la communauté internationale est très peu active. Très peu de médias s’intéressent à cette crise qui demeure à cette date, l’une des plus négligées au monde. Les rares organisations humanitaires présentes dans ces deux régions sont régulièrement soumises à la violence et aux harcèlements des belligérants. Pour cause, Médecins sans frontières (MSF) et L’ONG Danish Refugee Council (DRC)  ont été contraintes de suspendre leurs activités. Pour avoir un meilleur aperçu de la situation, décrivons les caractéristiques des régions anglophones du Cameroun.

Caractéristiques administratif et géophysiques des régions anglophones du NOSO au Cameroun

Les deux régions anglophones sont situées à l’ouest du pays, frontalière avec le Nigéria et couvrent une superficie d’environ 10% du territoire total du Cameroun.Entre 1919 et 1961, ces deux régions, alors sous administration coloniale britannique, étaient connues sous le nom de Cameroun britannique méridional. Après un référendum organisé par les Nations unies le 11 février 1961, leurs habitants ont opté pour la « réunification » avec le Cameroun français, le 1er octobre 1961.Les deux régions ont donc été administrées sous un système de common law, similaire à celui du Royaume-Uni, jusqu’en 1961. Ces deux régions couvrent une superficie de 42 383 Km² et compte 13 départements (6 pour le sud-ouest et 7 au Nord-ouest). Le tableau suivant illustre la répartition en terme de superficie et effectif de la population pour chaque chef-lieu de département.

RégionsDépartementChef-lieuSuperficie
en Km²
Population (2001)
FakoLimbé2 093367 812
Koupé-manegoubaNgambe3 404123 011
Manyu Mamfé9 565177 389
SUD-OUESTLebialem Menji617144 560
méméKumba3 105300 138
NdianMudemba6 626129 659
Boyo Fundong 1 592169 725
BuiKumbo2 297322 877
NORD-OUESTDonga-MantungNkambé4 279337 533
MenchumWum4 469157 173
MezamBamenda1 745465 644
MomoMbengwi1 792213 402
Ngo-ketunjiaNdop1 126174 173
Tableau récapitulatif des caractéristiques administratives des régions du NOSO Cameroun

Le relief, végétation et hydrographie dans le nord-ouest et sud-ouest Cameroun

aperçu du mont Cameroun
aperçu du Mont Cameroun dans la ville de Buéa

Les régions du nord-ouest et sud-ouest du Cameroun sont caractérisées par des reliefs montagneux et accidentés, notamment les chaînes de montagnes de Bamenda et du Bakossi dans le nord-ouest et des montagnes imposantes  comme  singulièrement le mont Cameroun (4 070 m) l’un des sommets les plus hauts d’Afrique qui se situe dans la localité de Buéa. La région du NOSO est également caractérisée par une forte présence de forêts tropicales humides et de savanes. On y retrouve des arbres tels que le baobab, l’acacia ou encore des forêts de bambous.

Parmi les 4 grands bassins hydrographiques que compte le Cameroun, la zone du NOSO se situe dans le bassin atlantique. Le réseau hydrographique dans le NOSO est assez prolifique avec de nombreuses chutes et rivières. D’important  lacs de cratères y sont présent notamment les lacs oku (243 ha), lac Nyos (1 091 mètres d’altitude, sur le flanc d’un volcan supposé inactif), lac Barombi mbo (5 km²).

Climat dans les régions du NOSO Cameroun

Le Cameroun se situe en zone intertropicale avec deux grands domaines climatiques. Le climat équatorial et Sud équatorial au Sud et le climat tropical au Nord. Le climat dans le NOSO est caractérisé par de fortes précipitations et des températures stables. La saison de pluie va souvent de mars à octobre  et une saison sèche qui va de mars à Novembre. La température annuelle moyenne est de 22°C avec des précipitations d’environ 1 500 à 2 000 mm. L’hydrographie de ces régions est en conséquence influencée par ces précipitations saisonnières.  

Démographie des régions anglophones du Cameroun

Les régions anglophones du nord-ouest et sud-ouest Cameroun représenteraient environ 20% de la population selon les estimations de Atlas des populations et pays du monde de  2018. Globalement l’on aurait :

Nord-ouest : 1 968 578  habitants

Sud-ouest : 1 553 320 habitants

Soit un total de 3 521 898 habitants pour les deux régions anglophone.

La majorité de la population du Nord-Ouest appartient aux groupes ethniques des « Grassfields », tandis que les groupes ethniques Sawa dominent le Sud-Ouest.

Activités économique

Bien que les deux régions du NOSO partagent une culture et une histoire commune, les disparités économiques entre elles sont flagrantes. La région du sud-ouest possède un tissu économique riche et varié contrairement au nord-ouest où l’activité économique est encore basée principalement sur l’agriculture (notamment la culture du riz à travers l’Upper Nun Valley Development Authority -UNVDA), du cacao, du café.  L’élevage et l’artisanat y est également très présent.

Par contre au Sud-ouest l’activité économique était avant la crise diversifiée et prolifique. Dans le secteur agricole avec la CDC (Cameroon Development Corporation) spécialisée dans la banane et la Pamol qui produit l’hévéa et l’huile de palme en évoluant ainsi dans l’agro-industrie. Dans le secteur industriel, l’unique raffinerie d’hydrocarbures du Cameroun, dispose d’une capacité annuelle de 3,5 millions de tonnes se Situe dans la cité balnéaire de Limbé, la Société nationale de raffinage (Sonara). Selon les estimations de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), la localité de Bakassi totaliserait 10 % des réserves mondiales de pétrole et de gaz, soit 157 milliards de mètres cubes. Dans le secteur des technologies, télécommunications et TIC la capitale régionale du Sud-Ouest Buéa,  a attirée des talents qui trouvaient des emplois dans des multiples startups qui forment cet écosystème qui a été baptisée la Silicon Mountain.

Par ailleurs d’autres secteurs économiques comme le transport, l’hôtellerie, la restauration et le tourisme y étaient en pleine progression.

Le pesant impact de la crise sociopolitique  dans les régions anglophones du NOSO au Cameroun.

des populations de Kumba qui marche pour protester contre la violence dans les écoles
Une marche symbolique des population de Kumba après un énième massacre dans une école de la localité

Bien que les deux régions soient profondément touchées par le conflit, les niveaux d’accès et d’activité économique semblent être plus élevés dans le Sud-Ouest. Il existe d’importants griefs historiques entre les deux régions, antérieurs à la crise, qui ne doivent pas être occultés par une focalisation sur les divisions Anglophones-Francophones. Les tensions entre les régions s’expliquent par les différences entre le Sud-Ouest, riche en ressources, qui abrite les principaux gisements pétroliers offshore connus du pays et possède une agro-industrie développée, et le Nord-Ouest essentiellement montagneux. En 2014, l’incidence de la pauvreté (pourcentage de la population sous le seuil de pauvreté national) dans le Nord-Ouest oscillait autour de 55 % — dépassée seulement par le Nord et l’Extrême-Nord, tandis que le Sud-Ouest n’avait une incidence de la pauvreté plus élevée (à 18 %). La crise a accru la fragilité du pays dans son ensemble.

En dehors du domaine économique, tous les secteurs de la vie sociale sont gravement affectés par la guerre dans cette région. Tout le système éducatif est remis en cause, certains groupes armés de séparatistes vont jusqu’à interdire l’ouverture des écoles. Certaines estimations font état de plus de 65% des établissements scolaires primaire et secondaire qui auraient fermés depuis le début de cette crise. L’accès aux soins de santé est devenu complètement précaire.  L’impact environnemental de ce conflit reste encore difficile à évaluer mais l’on est déjà convaincu de sa profonde gravité sur les écosystèmes.

Cette  crise au NOSO continue d’être de plus en plus  marquée par la criminalisation, car les groupes se fragmentent et de nouveaux acteurs se joignent à la mêlée ; certains ont des intentions purement criminelles, d’autres ont fusionné avec des groupes établis. Les deux parties ont également été accusées de piller des villages, de procéder à des assassinats arbitraires et de commettre des violations des droits de l’homme, notamment le démembrement de civils. Les milices ont également de plus en plus recours aux enlèvements contre rançon.